February 5, 2025

Le Bouard Avocats

Titres souscrits lors d’une augmentation de capital : quelle qualification comptable et fiscale ?

L’augmentation de capital est une opération stratégique dans la vie des sociétés, permettant de renforcer leur structure financière, de faciliter leur développement ou encore de répondre à des exigences réglementaires locales. Toutefois, la qualification comptable des titres souscrits dans ce cadre soulève des questions complexes, notamment quant à leur classification en titres de participation ou titres de placement, avec des implications fiscales majeures.

Un récent arrêt de la cour administrative d’appel de Paris, rendu le 11 octobre 2024, rappelle un principe fondamental : les titres acquis lors d’une augmentation de capital doivent être traités de la même manière que ceux acquis antérieurement dès lors que l’investisseur entend maintenir son contrôle sur la société [[CAA Paris, 11 oct. 2024, n° 22PA04107]].

Cet article analyse les enjeux comptables et fiscaux liés à cette qualification, ainsi que les précautions essentielles à prendre pour éviter tout redressement fiscal.

1. La qualification comptable des titres souscrits lors d’une augmentation de capital

1.1. Une distinction essentielle : titres de participation vs. titres de placement

En comptabilité, la qualification des titres dépend de l’intention de détention de la société acquéreuse. Elle se distingue en trois grandes catégories :

  • Titres de participation : détenus pour exercer une influence ou un contrôle sur la société émettrice. Ils permettent à l’investisseur d’orienter les décisions stratégiques et sont inscrits à l’actif immobilisé.
  • Titres de placement : acquis dans une logique de rendement financier à court ou moyen terme, sans intention de prise de contrôle. Ils figurent en comptabilité parmi les actifs circulants.
  • Autres titres immobilisés : conservés sans objectif de gestion active, souvent pour des raisons patrimoniales.

La distinction entre titres de participation et titres de placement est essentielle car elle détermine le traitement comptable et fiscal des opérations ultérieures (cession, liquidation, transmission). Faites appel à un avocat en droit des sociétés pour toutes vos opérations sur capital.

qualification des titres lors d'une augmentation de capital

1.2. Une continuité de qualification en cas de maintien du contrôle

La cour administrative d’appel de Paris a récemment précisé que les titres souscrits lors d’une augmentation de capital doivent conserver la même qualification comptable que ceux acquis antérieurement, dès lors que l’investisseur maintient son intention de contrôle sur la société émettrice [[CAA Paris, 11 oct. 2024, n° 22PA04107]].Cette position repose sur deux principes fondamentaux :

La cour administrative d’appel de Paris a récemment précisé que les titres souscrits lors d’une augmentation de capital doivent conserver la même qualification comptable que ceux acquis antérieurement, dès lors que l’investisseur maintient son intention de contrôle sur la société émettrice [[CAA Paris, 11 oct. 2024, n° 22PA04107]].

Cette position repose sur deux principes fondamentaux :

Cohérence comptable : la requalification des titres ne peut être justifiée par des considérations purement opportunistes.
Intentions stratégiques : si les titres sont souscrits dans une logique de contrôle, ils doivent être considérés comme titres de participation, indépendamment des circonstances de leur acquisition.

Cette jurisprudence s’aligne sur une décision antérieure du Conseil d’État, qui avait jugé que la qualification des titres devait être appréciée à la date de souscription et ne pouvait être dissociée de la qualification des titres précédemment détenus [[CE, 8 nov. 2019, n° 422377 ; CE, 11 juin 2024, n° 470721]].

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2. Implications fiscales de la qualification des titres

2.1. Un régime fiscal des plus-values différencié

Le régime d’imposition des plus-values varie en fonction de la qualification des titres :

  • Titres de participation : exonération d’impôt sur les sociétés, sous réserve d’une taxation forfaitaire de 12 % sur la plus-value nette [[article 219, I-a ter du CGI]].
  • Titres de placement : imposition au taux normal de l’impôt sur les sociétés (15 % ou 25 % selon le cas).

En conservant la qualification de titres de participation, les entreprises bénéficient d’un traitement fiscal plus favorable en cas de cession.

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2.2. Déductibilité des moins-values : une différence majeure

L’impact fiscal est également significatif en cas de moins-value lors d’une cession ou d’une liquidation :

Titres de participation : moins-values en principe non déductibles, sauf exception en cas de liquidation sans transmission universelle du patrimoine [[article 39 quaterdecies du CGI]].
Titres de placement : moins-values intégralement déductibles du résultat imposable.

Dans l’affaire jugée par la cour administrative d’appel de Paris, l’administration fiscale a requalifié des titres souscrits lors d’une augmentation de capital en titres de participation, entraînant ainsi une limitation de la déductibilité de la moins-value constatée lors de la liquidation de la filiale [[CAA Paris, 11 oct. 2024, n° 22PA04107]].

La qualification des titres devient donc un enjeu majeur pour les entreprises cherchant à optimiser leur fiscalité.

titres souscrits lors d'une augmentation de capital

3. Sécuriser la qualification des titres pour éviter un redressement fiscal

3.1. Justifier la qualification comptable dès l’acquisition

Pour limiter le risque de requalification par l’administration fiscale, il est indispensable de documenter soigneusement la classification des titres. Voici quelques bonnes pratiques :

Rédiger une note interne expliquant les raisons de l’acquisition et la stratégie de détention.
Démontrer l’influence exercée sur la société émettrice (décisions stratégiques, présence au conseil d’administration).
Assurer une cohérence des comptes en maintenant une continuité dans la qualification des titres détenus.

3.2. Anticiper l’impact fiscal des cessions et des liquidations

Avant toute opération de cession ou de liquidation de filiale, il est crucial d’évaluer les conséquences fiscales et d’anticiper tout risque de redressement :

✔ Vérifier que la cession de titres de participation ne génère pas une moins-value non déductible.
✔ En cas de liquidation, analyser l’impact de la radiation des titres et la déductibilité des pertes sur créances.
✔ Solliciter un rescrit fiscal auprès de l’administration en cas de doute sur la qualification des titres.

Une anticipation rigoureuse permet d’optimiser la gestion des participations et de sécuriser leur traitement fiscal.

Conclusion

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 11 octobre 2024 renforce un principe fondamental : les titres souscrits lors d’une augmentation de capital doivent conserver la même qualification que ceux acquis antérieurement, sous réserve que l’investisseur maintienne son contrôle sur la société émettrice.

Cette décision confirme l’importance de la cohérence comptable et fiscale dans la gestion des participations. Une entreprise ne peut pas modifier la qualification de ses titres de manière opportuniste pour bénéficier d’un traitement fiscal plus avantageux.

Dans ce contexte, les entreprises doivent :

Anticiper les conséquences fiscales avant toute cession ou liquidation.
Documenter précisément la qualification des titres pour éviter tout risque de redressement.
Assurer une continuité dans la classification comptable des titres détenus au fil du temps.

Une mauvaise qualification peut entraîner des conséquences fiscales lourdes, notamment en matière de plus-values et de déductibilité des moins-values. Une gestion rigoureuse et conforme aux règles comptables et fiscales est donc essentielle pour sécuriser les opérations et éviter les litiges avec l’administration fiscale.