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La question de l’augmentation de capital se pose régulièrement dans les sociétés par actions, notamment lorsque l’assemblée générale extraordinaire (AGE) décide de déléguer ses pouvoirs au conseil d’administration ou au directoire. Le Code de commerce prévoit alors l’établissement d’un rapport complémentaire afin d’informer les actionnaires sur les conditions définitives de l’opération. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas en matière d’attributions gratuites d’actions (AGA) à émettre, car celles-ci obéissent à un régime autonome, distinct de celui des augmentations de capital avec délégation. Dans cet article, nous examinerons en détail les spécificités juridiques qui justifient cette différence de traitement.
L’assemblée générale extraordinaire peut, en vertu du Code de commerce, déléguer au conseil d’administration ou au directoire la possibilité de procéder à une ou plusieurs augmentations de capital. Dans ce cadre, une fois l’opération réalisée, l’organe délégataire doit établir un rapport complémentaire, décrivant :
Ce document est ensuite mis à la disposition des associés et présenté à la prochaine assemblée générale ordinaire. Il vise à apporter une transparence maximale sur les modalités de l’émission, assurant le respect des droits de chacun.
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Les attributions gratuites d’actions (AGA) reposent sur un mécanisme différent. En effet, l’AGE se contente d’autoriser le conseil d’administration ou le directoire à attribuer gratuitement un certain nombre d’actions, de sorte qu’au jour de l’attribution définitive, une augmentation de capital intervient automatiquement. Toutefois, ce pouvoir reconnu à l’assemblée ne correspond pas à une délégation classique : il s’agit plutôt d’un pouvoir d’autorisation, laissant au conseil l’initiative de fixer les conditions (période d’acquisition, période de conservation, critères éventuels) dans un cadre prédéterminé. Ainsi, l’Ansa (Association nationale des sociétés par actions) souligne que l’organe de gestion ne “décide” pas véritablement l’augmentation de capital lors de la levée des conditions, mais se borne à “constater” la réalisation de la levée d’actions.
Le Code de commerce définit un ensemble de règles propres à l’attribution gratuite d’actions. L’AGE, lorsqu’elle adopte une résolution autorisant les AGA, ne procède pas à une augmentation de capital immédiate : elle ouvre simplement la possibilité d’émettre des actions nouvelles, attribuées gratuitement aux bénéficiaires (salariés ou dirigeants), sous certaines conditions. À l’issue de la période d’acquisition, le conseil d’administration ou le directoire consigne le nombre exact de titres attribués et la date de l’attribution, ce qui entraîne la réalisation définitive de l’augmentation de capital.
Pourquoi ne pas exiger un rapport complémentaire ?
Bien que le rapport complémentaire en cas de délégation de compétence ne s’applique pas, la loi impose tout de même un suivi régulier des AGA. En effet, chaque année, le conseil doit informer l’assemblée générale ordinaire du nombre et de la valeur des actions attribuées gratuitement, de la part du capital que ces actions représentent et des éventuelles conditions non encore réalisées. Cela se matérialise par un rapport spécial qui fournit aux actionnaires une vision claire de l’avancement du plan d’AGA.
Dans un régime d’AGA, l’augmentation de capital n’intervient qu’au moment où les bénéficiaires acquièrent définitivement la propriété des actions. Dès lors, la société n’a pas à mobiliser la procédure formelle d’augmentation de capital “classique” :
Cette caractéristique se traduit notamment par une simplification formelle et un calendrier plus souple, puisqu’il n’y a pas de droit de souscription ni d’offre au public à gérer.
Même si l’on ne retrouve pas le rapport complémentaire traditionnel, les associés bénéficient d’une information périodique via le rapport spécial prévu par le Code de commerce. Ce dernier décrit :
De plus, d’autres formalités de publicité légale existent pour consigner officiellement l’augmentation de capital, comme la mise à jour des statuts et la publication d’un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc).
Bien que l’attribution gratuite d’actions obéisse à un régime autonome, elle n’échappe pas totalement aux exigences de droit commun des sociétés par actions. À titre d’illustration :
Lorsque le conseil ou le directoire met en œuvre une opération d’AGA :
Ces obligations, combinées avec la responsabilité civile des dirigeants, exigent une rigueur formelle et une parfaite maîtrise du cadre juridique en vigueur.
L’attribution gratuite d’actions, prévue par le Code de commerce, se révèle un outil privilégié pour fidéliser les salariés et encourager les dirigeants, sans nécessiter la mise en œuvre des formalités complexes d’une augmentation de capital « classique ». L’Ansa confirme ainsi que l’obligation d’établir un rapport complémentaire ne s’applique pas à ces AGA, compte tenu du régime autonome qui leur est reconnu.
Cette autonomisation n’est toutefois pas synonyme d’absence de contrôle. Les organes de gestion doivent suivre des procédures de publicité et rendre compte aux actionnaires de l’exécution des plans d’AGA, ainsi que du volume de titres qui en résulte. En définitive, il appartient à chaque société d’arbitrer entre la souplesse offerte par le dispositif d’AGA et les obligations de transparence voulues par le législateur, afin de mettre en place un plan équilibré, conforme au cadre légal et sécurisé pour l’ensemble des parties prenantes.