Le Bouard Avocats
Dans un contrat de franchise, l’exclusivité territoriale consiste à réserver à un franchisé un secteur géographique précis au sein duquel aucun autre membre du réseau ne peut prospecter activement la clientèle. Selon l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382), la violation de cette exclusivité peut être sanctionnée au titre de la responsabilité civile en cas de faute.
Pour déterminer si un franchisé enfreint l’exclusivité territoriale d’un autre, il convient de distinguer :
La clause d’exclusivité territoriale ne peut interdire les ventes passives, qui relèvent de la libre concurrence. Elle peut, en revanche, restreindre sévèrement les ventes actives dans la zone réservée à un autre franchisé.
Lorsqu’un franchisé outrepasse les limites de sa zone d’exclusivité, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité. En droit français, c’est l’article 1240 du Code civil qui sert de fondement. Ce texte prévoit que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
L’inobservation d’une clause d’exclusivité constitue ainsi :
La Cour de cassation considère que le simple fait de déposer des prospectus dans les boîtes aux lettres d’un territoire attribué à un autre franchisé s’analyse comme un acte de démarchage actif, et non comme une forme de publicité générale. Cette position souligne la rigueur des juges envers toute manœuvre visant à conquérir un public censé être protégé par la clause d’exclusivité.
Dans une affaire où un franchisé distribuait ses tracts sur le territoire exclusif d’un autre membre du réseau, la Cour de cassation a cassé la décision d’appel qui estimait qu’il n’existait pas de démarchage individuel. Les hauts magistrats ont rappelé que le fait de viser l’ensemble des boîtes aux lettres de la zone en question constituait bel et bien un ciblage territorial, donc une violation manifeste de l’exclusivité.
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Les clauses d’exclusivité territoriale doivent être rédigées en respectant le droit des ententes (articles L.420‑1 du Code de commerce et 101 du TFUE). Elles sont généralement admises si :
En revanche, lorsqu’une clause tente de limiter l’accès à tout client potentiel – y compris en dehors du territoire – ou impose une interdiction absolue de ventes dites passives, elle peut être considérée comme excessive. Les tribunaux procèdent alors à un contrôle de proportionnalité : ils vérifient que l’interdiction ne freine pas indûment la concurrence.
Lorsqu’une juridiction constate la violation de l’exclusivité territoriale au préjudice d’un franchisé, plusieurs sanctions sont envisageables :
Le franchiseur doit veiller à une répartition équitable des territoires et garantir à chacun de ses franchisés le respect des clauses d’exclusivité. À ce titre, il lui incombe :
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Le franchisé souhaitant augmenter sa visibilité doit s’assurer qu’il se limite aux ventes passives en dehors de son territoire. Les envois de mailings, l’installation de panneaux publicitaires ou toute autre forme de démarchage spécifiquement dirigée vers la clientèle d’un autre franchisé constituent une zone de risque avéré.
Afin de ne pas empiéter sur les territoires voisins, un franchisé peut :
Si la victime constate un acte de démarchage active sur son secteur, elle peut saisir en urgence le président du tribunal de commerce sur le fondement de l’article 873 du Code de procédure civile. Cela permet d’obtenir, à titre conservatoire :
Parallèlement ou ultérieurement, le franchisé lésé peut engager une action en responsabilité civile fondée sur l’article 1240 du Code civil. Il lui faudra alors prouver :
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La violation de l’exclusivité territoriale demeure l’une des principales sources de litiges entre franchisés. Les tribunaux adoptent une position ferme, estimant que tout franchisé ciblant la clientèle d’un autre sur son territoire exclusif commet un acte de concurrence déloyale. Le simple dépôt de prospectus dans la zone protégée est déjà perçu comme un démarchage actif prohibé, peu importe l’absence de référence explicite à l’autre franchisé.
La clause d’exclusivité territoriale, si elle est régulièrement mise en œuvre et conforme aux règles antitrust, permet de garantir une certaine harmonie dans le réseau. En contrepartie, elle exige de chaque membre le respect rigoureux des limites fixées. Les ventes passives sont autorisées, mais toute action spécifique visant la clientèle d’un autre franchisé constitue une faute. Le franchiseur, pour sa part, doit veiller à la bonne application de ces règles et à la cohésion de son réseau en sanctionnant rapidement les pratiques déloyales.
Ainsi, la vigilance demeure le maître-mot : chaque franchisé doit calibrer ses campagnes publicitaires en tenant compte de sa zone contractuelle, tandis que le franchiseur doit surveiller l’activité de l’ensemble du réseau pour éviter toute dérive. Cette précaution permet de préserver la notoriété de la marque, la confiance mutuelle des membres et, en définitive, la réussite durable du concept franchisé.