Le Bouard Avocats
Lorsqu'une société est dissoute et liquidée, des questions cruciales émergent concernant les obligations fiscales postérieures à cette liquidation. En principe, une société dissoute ne peut être destinataire d'une proposition de rectification fiscale après la publication de la clôture de sa liquidation, sauf si un mandataire ad hoc a été spécialement désigné pour la représenter. Ce principe, confirmé par plusieurs décisions du Conseil d'État, vise à garantir le respect des droits des contribuables tout en préservant les prérogatives de contrôle de l'administration fiscale.
Cet article propose une analyse approfondie du cadre légal, des conditions de désignation d’un mandataire ad hoc et des implications pratiques pour les sociétés concernées.
Selon l'article 1844-8 du Code civil, la personnalité morale d’une société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de cette dernière au registre du commerce et des sociétés (RCS). Cette continuité temporaire permet au liquidateur d’accomplir les actes nécessaires à la liquidation, tels que la réalisation de l’actif et le règlement du passif.
2. Impact de la clôture de la liquidation
À compter de la publication de la clôture de la liquidation :
1. Les droits de l'administration fiscale
L’administration fiscale conserve le droit de contrôler les déclarations fiscales d’une société après sa liquidation judiciaire. Ce contrôle inclut :
Cependant, la notification d’une proposition de rectification après la liquidation est conditionnée à la désignation d’un représentant légal (mandataire ad hoc), sous peine d’irrégularité.
2. Décision du Conseil d’État : un rappel strict des règles
Dans l’affaire jugée le 19 juillet 2024 (n°488164), le Conseil d’État a annulé une procédure de rectification fiscale notifiée directement au liquidateur d’une société civile immobilière (SCI) après la clôture de sa liquidation. Le Conseil a rappelé que :
A lire : quelles sont les différences entre une liquidation amiable et une liquidation judiciaire ?
1. Conditions de désignation
La désignation d’un mandataire ad hoc relève de la compétence du juge judiciaire, sur demande :
Ce mandataire a pour rôle exclusif de représenter la société dans le cadre des litiges ou contrôles fiscaux.
2. Importance pratique de cette désignation
Le mandataire ad hoc est le seul habilité à :
1. Les opérations de contrôle autorisées après liquidation
Entre la publication de la clôture de la liquidation et la désignation d’un mandataire ad hoc, l’administration fiscale peut :
Cependant, elle ne peut notifier aucune nouvelle pièce de procédure, y compris une proposition de rectification, sans mandataire désigné.
2. Conséquences d’une notification irrégulière
Une notification adressée au liquidateur ou à un tiers non habilité est considérée comme :
Cela entraîne l'annulation des redressements fiscaux en question.
1. Cas de la SCI La Verrerie
Dans l’affaire de la SCI La Verrerie :
2. Jurisprudence constante : une protection renforcée
Cette décision s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle cohérente, rappelant que :
1. Obligations de l’administration fiscale
L’administration doit veiller à :
2. Droits des anciens associés ou actionnaires
Les anciens associés ont le droit :
1. Une société liquidée peut-elle encore être contrôlée ?
Oui, mais le contrôle doit être effectué via un mandataire ad hoc désigné par le juge.
2. Qui peut demander la désignation d’un mandataire ad hoc ?
L’administration fiscale, les anciens associés ou les créanciers peuvent en faire la demande.
3. Que risque l’administration en cas de notification irrégulière ?
Une annulation de la procédure et une impossibilité de recouvrer les redressements notifiés.
La notification d’une proposition de rectification fiscale à une société après sa liquidation soulève des enjeux juridiques complexes. L’administration fiscale est tenue de respecter strictement le cadre légal, notamment en sollicitant la désignation d’un mandataire ad hoc. Ce dispositif garantit une représentation équitable de la société liquidée, tout en encadrant les prérogatives de contrôle de l’administration.
Pour les sociétés concernées, une vigilance accrue s’impose afin de protéger leurs droits. L’accompagnement par un avocat spécialisé en liquidation judiciaire dans le 78 demeure essentiel pour naviguer dans cet environnement juridique exigeant et éviter les écueils liés aux procédures irrégulières.