Le Bouard Avocats
La fraude au président, un phénomène en forte recrudescence, met en lumière les responsabilités des banques en matière de vigilance face à des virements douteux. La récente décision de la Cour de cassation (Cass. com., 2 octobre 2024, n° 23-13.282) a confirmé que les banques doivent s'assurer directement auprès du dirigeant de la régularité des ordres de virement en présence d'anomalies apparentes. Cet arrêt illustre l'équilibre entre l'obligation de vigilance des établissements bancaires et la non-ingérence dans les affaires de leurs clients.
La fraude au président repose sur un stratagème bien connu des escrocs. Elle consiste à usurper l'identité d'un dirigeant d'entreprise pour inciter un salarié, souvent un comptable, à effectuer des virements frauduleux. Ce type de fraude exploite la hiérarchie interne des entreprises et la rapidité d'exécution des ordres.
Les caractéristiques principales de cette fraude :
Ces fraudes, en plus des pertes financières directes, peuvent entraîner des coûts indirects importants, tels qu’une atteinte à la réputation de l’entreprise et des litiges longs et coûteux.
En vertu de l’article L. 133-16 du Code monétaire et financier, les banques doivent veiller à l’exécution des ordres de paiement dans des conditions conformes à la loi. Cette obligation s’étend au-delà des simples vérifications de routine, notamment en cas d’anomalies apparentes dans les mouvements de comptes.
Dans l’affaire Banque CIC Nord-Ouest c. société Le Cerf & Bachelet, la Cour de cassation a retenu plusieurs indices justifiant une suspicion de fraude :
Ces éléments, considérés individuellement ou ensemble, auraient dû alerter la banque et la pousser à vérifier la validité des ordres de paiement directement auprès du dirigeant.
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L’arrêt du 2 octobre 2024 s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence antérieure. La Cour de cassation avait déjà affirmé, dans un arrêt du 14 février 2024 (n° 22-11.654), que les banques doivent vérifier la régularité apparente des ordres de paiement, notamment lorsque les mouvements de compte révèlent des anomalies matérielles ou intellectuelles.
Les grands principes jurisprudentiels établis :
Dans le cas de la fraude au président, cette vigilance est d’autant plus cruciale que seul le dirigeant peut authentifier la véracité des ordres. N'hésitez pas à demander les conseils d'un avocat en droit des affaires à Versailles.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a condamné la banque à hauteur de 50 % de la somme fraudée, soit 1 060 951,90 €. Elle a cependant reconnu une faute partielle de la société victime, en raison d'un manque de vigilance interne.
Les facteurs ayant contribué à cette décision :
Cette décision illustre la liberté d’appréciation laissée aux juges pour évaluer la répartition des responsabilités entre la banque et son client.
La législation encadrant les paiements a évolué avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, qui modifie l'article L. 133-1 du Code monétaire et financier. Depuis le 13 janvier 2018, le régime de responsabilité en cas d'opérations non autorisées s’applique quelle que soit la devise concernée, dès lors que l’un des prestataires de services de paiement est situé dans l’Union européenne.
Cependant, pour les virements hors zone SEPA, comme dans le cas présent, les règles spécifiques restent applicables, et la responsabilité est examinée selon le droit commun. Cette distinction complexe impose aux entreprises de redoubler de vigilance pour éviter les litiges coûteux.
Pour limiter les risques de fraude et réduire les contentieux avec les banques, il est essentiel pour les entreprises de mettre en place des procédures rigoureuses.
Mesures préventives recommandées :
La décision de la Cour de cassation rappelle avec force que les banques doivent aller au-delà d’un contrôle de surface en cas de suspicion de fraude. Le contact direct avec le dirigeant devient une obligation incontournable, sous peine d'engager leur responsabilité.
L’arrêt du 2 octobre 2024 marque une étape importante dans la protection des entreprises contre la fraude au président. Il souligne l’importance d’un partenariat vigilant entre les entreprises et les banques, fondé sur la confiance et des procédures strictes.
Face à une jurisprudence en constante évolution et à des risques croissants, il est essentiel pour les acteurs économiques de s’adapter. Les banques, quant à elles, doivent intégrer ces exigences pour garantir la sécurité des transactions tout en limitant leur propre exposition juridique.