January 22, 2025

Le Bouard Avocats

Décès d'un associé ou transformation : l’EURL ne se dissout pas automatiquement

Ni le décès de l’associé unique d’une EURL ni sa transformation en SARL soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) ne conduisent, en principe, à la dissolution de la personne morale. Cette règle, issue de l’interprétation combinée du code civil, du code de commerce et du code général des impôts, présente une importance pratique considérable, en particulier lorsqu’il s’agit de déterminer les conséquences fiscales et patrimoniales de la disparition de l’associé ou du changement de régime fiscal. L’objectif de cet article est de détailler la portée de ce principe et de présenter les motifs juridiques qui le sous-tendent, afin d’éclairer les praticiens et associés uniques sur leurs droits et obligations.

L’absence de dissolution en cas de décès de l’associé unique

Les fondements juridiques

Selon l’article 1870 du code civil, « La société n’est pas dissoute par le décès d’un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu’ils doivent être agréés par les associés ». En matière d’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), cette disposition s’applique à l’associé unique décédé. Dès lors qu’aucune clause statutaire spécifique n’impose la dissolution en pareil cas, la société se poursuit de plein droit entre les mains des ayants droit du défunt.

On retrouve également une confirmation dans l’article 1844-3 du code civil, lequel indique que la transformation régulière d’une société en une autre forme n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Cet alinéa souligne la continuité juridique de la société, indépendamment de la modification de sa structure ou de son régime d’imposition.

Effets pratiques pour les héritiers

Lorsque l’associé unique décède, ses héritiers se retrouvent, de facto, détenteurs des parts sociales au sein de l’EURL. Tant que les statuts ne comportent pas de stipulations contraires, ces derniers peuvent alors décider de gérer l’EURL ou d’en désigner un gérant. Ce mécanisme assure la pérennité de l’exploitation économique et évite les complications d’une liquidation prématurée.

Il convient néanmoins de rappeler que les héritiers héritent également des dettes et engagements de l’entreprise, dans les limites de la responsabilité prévue par les dispositions relatives à l’EURL. L’héritier qui souhaite se désengager doit vérifier si les statuts prévoient des dispositions particulières (clauses d’agrément, clause de continuation partielle) susceptibles de lui permettre de négocier la sortie du capital.

Conséquences fiscales du décès

Sur le plan fiscal, l’article 201 du code général des impôts prévoit que le décès de l’exploitant individuel peut entraîner l’imposition immédiate des bénéfices non encore taxés. Toutefois, l’EURL, bien qu’assimilée à une entreprise individuelle lorsqu’elle relève du régime fiscal des sociétés de personnes, dispose de sa propre personnalité morale. Le décès de l’associé unique ne met pas fin à la société, ce qui écarte la cessation d’activité immédiate, sauf volonté contraire inscrite dans les statuts ou mise en œuvre d’une procédure de dissolution de la société par les ayants droit.

La jurisprudence récente illustre ce principe : les héritiers succèdent directement dans les droits sociaux et poursuivent l’activité en maintenant la continuité fiscale de la société. Ce n’est qu’en cas de liquidation effective ou de cession totale des actifs que le fisc peut exiger l’imposition des plus-values latentes et des bénéfices non encore imposés. Vous rencontrez des difficultés en droit des sociétés ? Contactez un avocat en droit des sociétés à Versailles.

A lire : qu'est qu'une liquidation amiable ?

La transformation de l’EURL en SARL soumise à l’IS

Modification de la forme sans création d’une personne morale nouvelle

En complément de la question du décès de l’associé unique, se pose souvent celle de la transformation de l’EURL en SARL lorsque plusieurs associés entrent dans le capital ou lorsque l’héritage fait apparaître plusieurs héritiers. Le code de commerce, notamment l’article L. 210-6, consacre la continuité de la personnalité morale dans l’hypothèse d’un changement de forme sociale. La société demeure identique sous l’angle juridique : elle change simplement de forme (EURL à SARL, par exemple), sans rupture de son existence.

Ainsi, aucune dissolution n’intervient, et la société continue son exploitation. Du point de vue civil, l’article 1844-3 du code civil confirme d’ailleurs que la transformation régulière n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle, empêchant ainsi l’apparition d’une cessation d’activité sur le plan fiscal.

EURL et décès d'un associé

Passage au régime de l’impôt sur les sociétés

Lorsqu’une EURL relevant du régime fiscal des sociétés de personnes se transforme en SARL soumise à l’impôt sur les sociétés, se pose la question de l’imposition des plus-values latentes et des bénéfices non encore taxés. En principe, l’article 202 ter du code général des impôts prévoit une imposition immédiate des résultats non encore soumis à taxation lorsqu’un tel changement de régime fiscal s’apparente à une cessation d’activité.

Toutefois, le même article nuance ce principe en indiquant que, sous réserve d’une comptabilisation rigoureuse des actifs et passifs préexistants, il n’y a pas imposition immédiate si la société conserve la possibilité de taxer ultérieurement les bénéfices et plus-values non encore réalisés.

Ainsi, la société peut opter pour l’intégration de ses actifs à leur valeur d’origine dans le bilan d’ouverture à l’IS, dès lors qu’elle ne modifie pas ses écritures comptables et qu’elle continue l’exploitation sans interruption. Cette continuité permet d’éviter la liquidation fiscale immédiate, à condition de respecter rigoureusement les obligations déclaratives et de ne pas procéder à des réévaluations libres non conformes.

Importance de la rédaction des statuts

Dans la plupart des cas, les statuts de l’EURL ne prévoient pas la dissolution en cas de transformation en SARL, sauf volonté expresse de l’associé unique initial. Si une telle clause existait, elle pourrait effectivement déclencher la disparition de la société, mais cela demeure rare dans la pratique. De même, il est conseillé de vérifier si les statuts comportent une mention relative au décès de l’associé unique, laquelle peut prévoir l’agrément des héritiers ou la liquidation immédiate. À défaut d’une telle stipulation, l’article 1870 du code civil s’applique de plein droit, assurant la poursuite de l’activité.

Points de vigilance et conseils pratiques

Pour sécuriser le fonctionnement de la société lors de la survenance du décès de l’associé unique ou lors d’un changement de régime fiscal, plusieurs précautions s’imposent :

  • Vérifier les clauses statutaires : il est crucial de vérifier l’existence ou non d’une clause prévoyant la dissolution en cas de décès ou de transformation. En l’absence de disposition claire, la société se poursuit avec les héritiers ou sous la nouvelle forme sociétaire.
  • Régulariser rapidement la situation : si la société se retrouve subitement avec plusieurs associés du fait de la succession, la transformation en SARL doit être mise en œuvre de manière formelle (approbation par assemblée, dépôt des statuts modificatifs, actualisation des registres légaux).
  • Respecter la comptabilisation des actifs : lors du passage à l’IS, la société doit choisir entre l’imposition immédiate des plus-values latentes ou la poursuite d’une comptabilisation identique, ce qui suppose l’absence de modification de la valeur inscrite à l’actif.
  • Déclarer la cessation ou la continuité : le redevable se doit de préciser, dans ses déclarations fiscales, l’option retenue. S’il opte pour la continuité, il doit veiller à ce que l’administration puisse imposer ultérieurement les plus-values ou bénéfices concernés.

Conclusion

Il ressort de la législation et de la jurisprudence que ni le décès de l’associé unique d’une EURL ni la transformation de cette EURL en SARL soumise à l’impôt sur les sociétés n’entraînent la dissolution automatique de la société, sauf clause statutaire contraire. Cette continuité juridique garantit la poursuite de l’activité économique et la pérennité du patrimoine social, tout en évitant les conséquences fiscales d’une cessation prématurée.

Il demeure toutefois impératif de bien anticiper ces événements, en assurant un suivi rigoureux de la comptabilité et des formalités légales. Les héritiers d’un associé unique décédé, tout comme les nouveaux associés d’une EURL se transformant en SARL, doivent prendre soin de vérifier les clauses statutaires, d’opter pour un régime fiscal cohérent et de respecter les prescriptions relatives aux plus-values latentes.

En définitive, cette règle de non-dissolution renforce la sécurité juridique et encourage la transmission des entreprises familiales. Néanmoins, elle ne doit pas occulter la nécessité d’une consultation approfondie auprès d’un professionnel du droit. Chaque situation présente en effet des particularités qui exigent une analyse sur mesure, afin de concilier les intérêts des ayants droit, les impératifs fiscaux et les réalités opérationnelles de la société.