Le bail commercial est un contrat structurant essentiel pour toute activité commerciale ou artisanale. Il est soumis à des règles strictes, notamment en ce qui concerne la compétence territoriale des juridictions en cas de litige. Traditionnellement, l'article R. 145-23 du Code de commerce attribue cette compétence au tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble loué. Toutefois, une récente jurisprudence a confirmé qu'il est possible, sous certaines conditions, d'y déroger contractuellement.
Dans cet article, nous explorerons les implications de cette évolution, les conditions de validité d’une clause attributive de compétence dans un bail commercial, ainsi que les conséquences pratiques pour les parties prenantes.
Le droit français fixe un cadre rigoureux pour la compétence territoriale en matière de bail commercial. L’article R. 145-23 du Code de commerce dispose que :
« La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble. »
Cette règle s’applique à toutes les contestations relatives aux baux commerciaux, qu’il s’agisse :
Cette disposition a longtemps été perçue comme d’ordre public, rendant toute clause attributive de juridiction nulle et non avenue. Cependant, une évolution jurisprudentielle a progressivement assoupli cette position.
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L’article 48 du Code de procédure civile permet aux parties contractant en qualité de commerçants d’insérer une clause attributive de compétence territoriale, sous réserve qu’elle soit spécifiée de façon très apparente dans le contrat.
Ainsi, si bailleur et locataire ont tous deux la qualité de commerçant, ils peuvent convenir contractuellement d’attribuer la compétence à un autre tribunal que celui du lieu de situation de l’immeuble, à condition que cette clause soit explicite et bien mise en évidence dans le contrat.
La Cour d’appel de Paris a récemment confirmé cette possibilité dans son arrêt du 24 octobre 2024, précisant que :
« La clause attributive de compétence stipulée dans un bail commercial entre deux commerçants est valable dès lors qu’elle est spécifiée de façon très apparente dans l’acte. »
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L’interprétation stricte des juridictions
Malgré cette ouverture, les tribunaux restent stricts sur l’application de cette exception. Pour être valide, la clause doit remplir plusieurs conditions cumulatives :
Les juges évaluent donc au cas par cas si cette clause respecte ces principes avant d’en valider la portée.
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L’insertion d’une clause attributive de compétence dans un bail commercial présente divers avantages et inconvénients pour les parties.
Pour éviter tout risque de nullité, la clause attributive de compétence doit être rédigée avec précision et respecter certaines règles :
« Tout litige relatif à l’interprétation et à l’exécution du présent bail sera soumis à la compétence exclusive du Tribunal judiciaire de Paris. »
Une mauvaise rédaction de cette clause peut entraîner son inopposabilité et contraindre le bailleur à saisir le tribunal du lieu de situation de l’immeuble.
Bien que la Cour d’appel de Paris ait confirmé la possibilité de déroger à la compétence territoriale en matière de bail commercial, certains tribunaux, comme le Tribunal judiciaire de Paris, ont dans un premier temps contesté cette approche.
En effet, dans plusieurs décisions rendues en 2024, ce dernier a jugé que la clause attributive de compétence devait être réputée non écrite, estimant que :
Cependant, l’arrêt du 24 octobre 2024 de la Cour d’appel de Paris est venu confirmer l’application de l’article 48 du Code de procédure civile, entérinant la possibilité d’une clause dérogatoire sous conditions.
Face à cette évolution, les avocats en droit des affaires doivent :
Si l’article R. 145-23 du Code de commerce fixe un principe de compétence territoriale fondé sur le lieu de situation de l’immeuble, la jurisprudence a progressivement admis la possibilité d’y déroger sous conditions.
L’insertion d’une clause attributive de compétence peut constituer un levier stratégique pour les bailleurs, mais elle doit être rédigée avec rigueur afin d’éviter toute contestation. La question demeure évolutive et il conviendra de suivre les futures décisions de la Cour de cassation, qui pourraient définitivement trancher cette problématique.